Comment nos vêtements usagés engorgent l’Afrique
Vous pensez faire un geste pour la planète en déposant régulièrement vos vêtements usagés dans les bornes de collecte ?
Oui… et non.
On vous explique les effets retors trop peu connus de cette pratique et en quoi elle ne peut constituer la solution pour tendre vers une mode plus responsable à l’échelle mondiale.
Donner ses vêtements d'occasion n'est souvent pas la solution
Les chiffres sont connus : la production annuelle d’articles textile dans le monde a atteint 100 milliards et nous consommons aujourd’hui 2 fois plus de vêtements qu’il y a 15 ans, tout en les conservant 2 fois moins longtemps.
La filière de collecte et de valorisation textile continue à se structurer pour faire face à l’afflux de vêtements dont nous souhaitons nous débarrasser.
Car chaque année, et comme on vous l’explique en détail ici, les français donnent 40% des articles qu’ils ont achetés.
La grande majorité (90%) sont déposées dans des bornes, les 10% restants sont données directement à des associations.
Et, bien que ce soit toujours mieux que de les jeter, donner ses vêtements génère aussi une série d’effets pervers liés aux exportations massives vers l’Afrique.
Les vêtements que l'on donne sont bien souvent expédiés à l'étranger
Si on peut apprécier le fait que la majorité des vêtements collectés (près de 60%) vont être remis à disposition des consommateurs (que ce soit sous la forme de ventes ou de dons), seule une infime partie des vêtements destinés à être réutilisés reste sur le marché français : 95% sont envoyés à l’étranger, majoritairement vers l’Afrique sub-saharienne.
La France, pourtant loin derrière les Etats Unis, exporte 155 000 tonnes de textile vers le continent africain, ce qui représente un chiffre d’affaires « Export friperie » de près de 75 millions d’euros (Sources Douanes Françaises).
Globalement, l'Afrique importe environ 1/8e des vêtements déjà utilisés dans le monde c’est-à-dire qu’un vêtement produit sur huit « échoue » en Afrique après avoir été porté.
Alors, certes, le commerce de vêtements de seconde main soutient l’emploi dans les pays destinataires, avec le développement de filières et de réseaux de distribution adaptés.
Sur le continent africain, l’industrie de la fripe emploie ainsi 355.000 personnes et représente 230 millions de dollars (195 millions d'euros) de recettes par an, selon une étude de l'agence américaine d'aide internationale (USAid).
Pour autant, l’envoi massif de textiles occidentaux génère deux problèmes majeurs :
- Il casse l’industrie textile locale, qui n’est pas en mesure de concurrencer l’offre colossale d'articles d’occasion à très bas prix. Pourquoi acheter des vêtements fabriqués localement à un prix raisonnable quand on peut trouver des articles quasi gratuits via les marchés d’occasion ? La production locale est littéralement noyée, entraînant fermeture d’usines et suppression d’emplois.
- Il entraîne un désastre écologique : les quantités excèdent nettement la demande locale et la qualité s’est tellement détériorée ces dernières années, que les vêtements sont souvent impropres à la revente.
Résultat ?
Les pays destinataires croulent littéralement sous des montagnes de textiles usagés, qui terminent leur vie dans d’immenses décharges à ciel ouvert, se retrouvant fréquemment entraînés dans le lit des rivières ou vers la mer.
S’agissant pour beaucoup de vêtements de piètre qualité, composés majoritairement de fibres synthétiques et ayant reçu de nombreux traitements chimiques au cours de leur fabrication, leur décomposition génère des émissions de substances toxiques, polluant sols et eaux et contaminant les populations alentour.
Faut-il donner ses vêtements d'occasion ?
Le don de vêtements, vertueux en apparence, se transforme en véritable fardeau quand les quantités de textiles collectées sont démesurées, comme c’est devenu le cas ces dernières années.
Le dispositif ne fait que déplacer le problème des déchets textiles vers les pays qui sont pourtant les moins armés pour les gérer.
Et il ne s'attaque pas au problème de fond : la surconsommation et la surproduction de vêtements !
Acheter en conscience moins de pièces, de meilleure qualité, qui pourront être portées plus longtemps, voilà ce vers quoi nous devons tous nous efforcer d’aller.
En privilégiant la seconde main, sur Paradigme par exemple, on prolonge la vie des vêtements et on contribue à réduire la pollution textile déportée.
Pour progresser ensemble, pas seulement près de chez nous mais aussi à l’autre bout du globe.